Yersinia
enterocolitica a été identifié en tant que pathogène chez l'homme dès 1939 aux
USA par SCHLEIFSTEIN et COLEMAN. La bactérie, gram-, est baptisée Y.
enterocolitica en 1964 par FREDERIKSEN. Il a fallu attendre les années 197O
pour une véritable prise de conscience de l'importance de cette bactérie en
pathologie humaine conduisant à des recherches quasi-systématiques au
laboratoire.
Les cas
notifiés dans le monde étaient au nombre de 23 en 1966, 642 en 1970, plus de
1000 en 1972, environ 4 000 en 1974. Dans certains pays Y. enterocolitica
serait le germe entérique le plus souvent isolé (200.000 cas en 1979 au
Danemark, incidence comparable aux Salmonelles en RFA et dans certaines régions
du Canada). En 1975, dans une station de ski de Montana, 40 % des touristes ont
été touchés.
On
estime 17.000 cas annuels aux USA. Cette infection est plus commune en Europe
du Nord, Scandinavie et au Japon.
Successivement
dénommée Bacterium enterocolitica, puis Pasteurella X, Pasteurella
pseudotuberculosis type B, Yersinia enterocolitica fait actuellement partie de
la famille des Enterobacteriaceae dont elle possède tous les caractères.
Le genre
Yersinia est caractérisé par des colonies de petite taille en 24 heure à 37 °C
(moins de 1 mm de diamètre), une mobilité dépendant de la température (immobile
à 37°C, mobile à 25°C), ne produisant pas de gaz sur glucose ou très peu.
Ces bactéries
possèdent le plus souvent une uréase très active mais sont dépourvues de
gélatinase. Elles possèdent une activité ONPG-asique mais pas de
B-Galactosidase.
L'identification
de Yersinia enterocolitica repose sur le classement en 5 chimiotypes, 34
sérotypes (60 selon tube digestif eau et aliment 1989), 5 biotypes et une dizaine de
lysotypes principaux, chaque souche étant identifiée par ces trois
caractéristiques. Les sérotypes O:3 et O:9 les plus adaptés à l'espèce humaine
(Europe, Japon, Afrique du Sud et Canada), sont par contre exceptionnels dans
le sol, les végétaux et autres animaux et donc exceptionnellement responsables
d'épidémies. O:5,27 (Europe, Japon, Afrique du Sud, Canada) et O:8 est
caractérisé par sa forte virulence et la plus fréquemment responsable en
Amérique du Nord.
Yersinia
enterocolitica n'est pas exigeante, de plus elle se multiplie aux températures de réfrigération (psychrotrophe).
Ainsi le pH optimum de croissance est proche de la neutralité. le pH minimum
est égal à 4.0 et le pH maximum est égal à 10 et un optimum de 7.3 à 7.5. La
bactérie peut aussi survivre 48 heures à pH 3.6 ainsi que dans des conditions
alcalines (pH 10-12).
De plus, elle
se développe en présence de 0 à 5 % de NaCl.
Elle persiste mieux sur la viande de boeuf, d'agneau, de porc de volailles
conditionnée sous vide qu'à l'air libre (28 jours à 1-3°C). Mais surtout,
Yersinia enterocolitica peut se développer à des températures allant de 0°C à
42°C. La température optimale de croissance est de 29°C, alors qu'à 37°C,
cette bactérie devient exigeante en facteurs de croissance. A température tiède, la salaison ou les bactéries lactiques inhibent
sa croissance.
La réfrigération
ralentit la multiplication, mais elle ne l'inhibe pas complètement. De plus, la
croissance à basse température dépend d'autres facteurs, en particulier du pH :
elle cultive bien à 4°C pH neutre, mais très peu à pH 5.2 - 5.4. La congélation n'apporte qu'une réduction
minime. Yersinia est inactivée en partie lors du caillage du lait et en
totalité pendant l'affinage, elle est réduite par la pasteurisation.
Toxines et
virulence : certaines souches sont pathogènes. Le pouvoir pathogène des souches
virulentes est lié à la secrétion d'entérotoxine et à une capacité d'invasion
des cellules. Les Yersinia sont internalisées par un processus d'endocytose
(RME). Elles envahissent la partie terminale de l'iléon, en particulier les plaques de Peyer et se
multiplient dans les tissus lymphoïdes (ganglions lymphatiques). Elles sont
véhiculées jusqu'au ganglion mésentérique où elles provoquent une adénite
mésentérique et gastro-entérite infantile.
La
virulence de Y. enterocolitica est associée à la présence d'un plasmide
pYV d'environ 70 kilobases.
Entérotoxine :
Seule la
production d'une entérotoxine ST thermostable et soluble dans le méthanol a pu
être décelée, le plus souvent chez les souches d'origine clinique.
Elle s'avère
thermostable (121°C - 30 mn), au froid (4°C pendant 7 mois), aux variations de
pH (pH 1 à 11).
De plus, les
souches entérotoxiques produisent leur entérotoxine pendant la culture à 25°C
et non à 37°C
Les
infections surviennent par petites épidémies ou de façon sporadique.
Il détermine
chez l'enfant des gastro-entérites fébriles et chez l'adulte des septicémies,
des adénites, des polyarthrites. La gastro-entérite est parfois suivie de
séquelles rhumatoïdes inflammatoires.
L'incubation peut être de 1 à 11 jours, mais en moyenne de
24 à 48 heures.
La dose
infectante est encore inconnue en 1999 (site de la FDA).
Par ordre
d'importance décroissante on distingue :
1)
les formes entéritiques ou entérocolitiques
Elles sont
dominées par la diarrhée (2/3 des
cas), liquide ou pâteuse, parfois glaireuse ou purulente, rarement
sanguinolente mais toujours malodorante. Le nombre de selles émises par jour
varie de quelques unes à une quinzaine ou plus (réhydratation alors
nécessaire). L'abdomen est sensible et gargouillant. Les autres symptômes sont
inconstants : douleurs abdominales diffuses, vomissements, nausées, atteinte de
l'état général, forte fièvre 39-40°C pendant quelques jours puis vers 38°C
durant plusieurs semaines, maux de tête.
2)
la douleur (syndromes aigus) de la fosse iliaque droite ou abdominale.
Se signale
essentiellement par une douleur localisée à la fosse iliaque droite, une
adénite mésentérique, une diarrhée fréquente, signant une iléite terminale
aiguë.
L'anorexie,
l'amaigrissement, les nausées et parfois les vomissements complètent le
tableau.
3)
autres formes : complications
Elles correspondent
à l'arthrite, à l'érythème noueux (particulièrement chez les personnes de + de
60 ans dans les pays Scandinaves) (2 à 3 % des cas), aux rares formes
septicémiques ou septico-pyohémiques toujours très graves chez des patients en
général âgés, alcooliques, diabétiques, immunodéprimés, ou encore des formes
cutanées, cutanéo-ganglionnaires, articulaires, oculaires, osseuses, urinaires.
L'ensemble de
la maladie dure 2 à 3 semaines jusqu'à plusieurs mois. Les antibiotiques
à large spectre tels que les tétracyclines, le chloramphénicol
et surtout les aminosides (streptomycine) sont efficaces
alors que la pénicilline est inactive.
Aliments
responsables :
Principalement le porc
Gâteaux à la
crème, en Belgique, en 1975 (4 cas),
Plat de riz en Hongrie en 1976,
En Belgique,
boisson au lait chocolaté en 1976 (37 cas) et en 1978 aux USA (250 malades),
Lait en poudre
en 1981 à New-York (239 malades)
Du Tofu
contaminé par de l'eau non potable (87 cas) et du lait pasteurisé (plusieurs milliers
d'infections) aux USA en 1981 et 1982.
crèmes glacées
moules, huîtres
viande :
boeuf, agneau, porc
EAU
Origine :
- Origine
humaine
Origine la
plus probable. Un cuisinier qui était porteur digestif sain a été la source de
la contamination du lait chocolaté préparé par lui-même et distribué dans une
école de New-York.
- Origine
animale
N'est pas la
règle, toutefois, la contamination de lait (chocolaté ou non) après pasteurisation par des fèces
de porcs contaminés a été l'origine de l'accident le plus important aux USA. De
plus les animaux représentent un réservoir non négligeable (contamination de
lait cru ou même après le traitement de pasteurisation). Le porc (notamment la viande hachée) est un véritable réservoir de
souches pathogènes de Y. enterocolitica, qu'il porte essentiellement au
niveau de la cavité pharyngée. Les langues
de porc ainsi que la viande hachée (boeuf ou porc) sont très souvent
contaminées par des souches de sérotypes O:3 et moins souvent O:9. Les
volailles sont des porteurs digestifs sains, ce qui peut entraîner la
contamination des oeufs en surface.
Vu sa
contagiosité, la contamination peut également se faire par les animaux
domestiques (chiens, chats)
- Origine
tellurique
Le sol et
l'eau sont des sources importantes de souches non adaptées. La consommation de
crudités (carottes râpées, salades, légumes crus) sont des facteurs.
Yersinia
connaît une recrudescence de novembre à
mars, puisque l'hiver est sa saison préférée, du fait de sa multiplication
préférentielle entre +4°C et +10°C.
Sites
développant les explications au sujet de ce germe :
Université UC-DAVIS
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